mardi 26 juin 2012

L'agonie de la communauté juive Française



Commençons par la fin: La communauté juive française est en train de mourir. 


Cette vision de la réalité n'a rien de plaisante, elle ne me réjouie pas. Quand je suis retourné en France il y a un peu plus de trois ans pour ma mission à l'agence juive, j'ai eu un choc. C’était le choc de quelqu'un qui n'a pas vu une amie d'enfance (dont il était un petit peu amoureux en secret) et qui la retrouve vieillie, affaiblie, alourdie.
Ayant dit quelque chose de terrible dès début de ce billet je me dois de l'expliquer et pour cela il me faut parler au delà des sentiments. 
La communauté juive française n'est pas une communauté mais bien plusieurs communautés qui se sont succédées l'une à l'autre à travers les temps. Chacune d'elle a eu son heure de gloire, chacune d'elle a eu sa fin (plus ou moins tragique) sauf la dernière - par la force des choses- qui est encore présente. 


Les différentes vagues d'immigration juive vers la France ont donc entretenu cette sensation de continu, mais c'est une sensation fausse. En juste 150 ans, aux juifs russes et allemands ont succédés les polonais puis plus récemment les juifs d'Afrique du nord. Pourquoi ces successions et disparitions? Simple explication: l'assimilation. La machine républicaine marche à merveille (pour les juifs) et elle a engouffré des générations entières. Mariages mixtes, changements de noms, laïcité, ce ne sont qu'une partie des évènements et valeurs qui ont effacés (ou presque car il en reste des souvenirs minoritaires) des générations entières de juifs français. 
Vrai, l’arrivée des juifs d'Afrique du nord a relancé la donne. D'un coup; des milliers de juifs traditionalistes se sont retrouvés en France, les synagogues se sont réouvertes, les restaurants cachers ont fleuri. Qu'en aurait été il de la communauté juive française au lendemain de la guerre sans l’arrivée des juifs d'Afrique du nord? 
Mais le fait est que l’échéance n'a fait qu’être repoussée. Entre temps des choses importantes se sont passées sur le terrain:
1. L'assimilation a continué son travail silencieux et frappé dans toutes les familles juives de France. 
2. Il n'y a plus de réservoirs de juifs qui pourraient éventuellement émigrer en France
3. La création de l'Etat d’Israël a eu lieu en 1948. 
Lors de mes discussions avec les chefs des différentes communautés juives françaises les chiffres entendus ont rendu mes conclusions plus que claires: à Marseille, en 15 ans baisse de 50 % du nombre de mariages juifs, à Toulouse, 50% de juifs en moins inscrits en 15 ans pour des naissances, pas un mariage juif en un an à Metz etc etc. Ne parlons pas des synagogues qui se ferment chaque année ou qui ne sont plus que des monuments vides à l'architecture magnifique. 
Les chefs de la communauté parlent eux même au niveau national de 150,000 à 180,000 juifs qui seraient présents lors de la neila de kippour (dans toute la France!) ou sont les autres? Il sont en train ou sont déjà dilués. Même si on reste optimiste et ne parlons "que" de 50% d'assimilation, ou cela nous mène t il dans 20 ans? 
Comme je l'ai écrit auparavant, il n'y aura plus d'immigration juive pour revivifier cette communauté, ce qui y sont encore actifs aujourd'hui sont des miraculés, les autres sont passifs, et le reste disparu. 


Seulement quand les juifs de France pourront voire cette vérité et regarder leur agonie communautaire en face et sans peur, pourront ils prendre les décisions qui s'imposent quant au futur de leurs enfants. 


(a suivre, le lien des juifs de France avec Israel...) 

mercredi 20 juin 2012

Israël 1973 - France 2012: des oeillères qui aveuglent



Une des premières leçons que j'ai apprise lorsque j'ai intégré le corps des renseignements de Tsahal faisait référence à la guerre de Kippour. Cette même leçon m’a été re-enseignée nombre de fois plus tard, lors de différentes formations et plus particulièrement lors du cours d'officiers. Cette leçon porte sur la "conception" des services de renseignements à la veille de la guerre de Kippour. Convaincu d'un effet dissuasif inaltérable du à la victoire de 1967, Tsahal avait mis en place une "conception", une base de travail sur laquelle reposait la conviction selon laquelle les armées arabes n'ouvriraient pas de nouvelles hostilités en 1973. Passons les détails.
La partie importante de la leçon est qu'il était important que nous comprenions la force de la "conception" et sa capacité a déformer la réalité la plus simple. Pendant les semaines et jours qui ont précédé l'attaque commune des armées arabes en octobre 1973, énormément d'indices se sont accumulés, indices qui, sans aucun doute, auraient du allumer une alarme dans la tête de la plupart des officiers de Tsahal. Mais ces indices ont été mal lus et mal interprétés. Ils ont été lus à travers le prisme de la conception, et peu importe si les faits étaient aussi clairs que de l'eau de roche, ils n'avaient pas la force de changer un état d'esprit qui s’était installé et avait pris racines, une croyance quasi divine en une certaine hypothèse. 
Tout cela pour établir un parallèle  avec ce qui se passe en France ces derniers temps pour la communauté juive. En regardant la situation depuis Israël, j'ai l'impression de me revoir dans un "ancien film". Comme si tous les indicateurs étaient au rouge mais qu'un brouillard conceptuel empêchait la majeure partie des gens de lire clairement les lettres inscrites en rouge sur le mur. Actes antisémites à répétition, aggravation de leur violence, délégitimisation du peuple juif au travers d’Israël, désacralisation de la Shoah...tout y passe. Chaque reportage dans un journal sur Israël ou sur les juifs est commenté par des dizaines de personnes haineuses, chaque tweet pro-israélien ou dénonçant l’antisémitisme est attaqué par des hordes de jeunes aux cerveaux et aux coeurs remplis de haine. Tous les signes avant coureurs de quelque chose de gravement anormal sont la. 
Quel est le danger de la "conception"? C'est qu'elle n'aime pas être dérangée. Elle n'aime pas les signes qui la déstabilisent, alors elle les étouffe; car il est bien plus viable de vivre avec elle qu'avec eux. Israël en 1973 ne voulait pas d'une autre guerre et certainement pas reprendre le rôle de l'offenseur. Mais si elle l'avait fait, des milliers de vies de ses soldats auraient été sauvées. 
Que doivent faire les juifs de France? Comment doivent ils lire ces indices? Comment les déchiffrer? Je ne suis pas sur, mais je ressens clairement un réel malaise à se poser les questions qui font vraiment mal et a prendre les mesures imposées a ce "quelque chose" qui est en train de se produire et de prendre forme sous nos yeux.