En chemin vers mon unité
militaire pour une autre journée d'entrainements dans le cadre du service de
réserve (milouyim), ma voiture glisse sur l'asphalte brulant et le soleil est
aveuglant. Le vent chaud souffle à travers les fenêtres ouvertes et crée ce battement de cils semi-agréable semi-gênant. Les poils de mon bras, que
je laisse se balancer en dehors de la voiture, sont redressés à contre vent et j'aime cette
sensation de hérissement. A ma droite je laisse filer le quartier d'Abou-Tor
derrière moi, puis à toute vitesse apparait
la cinémathèque, complètement rénovée.
Jérusalem s'étends devant moi
dans toute sa splendeur. Les couleurs sont fortes, l'air est sec, les yeux des passants sont
rudes, beaux. Chaque pierre sur mon chemin semble être installée depuis des
millénaires et semble devoir y rester éternellement. Cela me donne l'impression
de n'être qu'un invité temporaire de cette beauté. Comme une histoire d'amour
un peu interdite dont il faut profiter tant que nos yeux peuvent encore voir, avec
ce brin de tristesse inévitable, car au fond de nous, on sait que contrairement
à elle, nous ne sommes pas là pour toujours.
La radio de la voiture est bloquée
sur la station militaire de Galei Tsahal, pour rentrer un peu dans l'ambiance
qui m'attend… Généralement l'esprit de
cette radio est plutôt "Tel Aviv-super
cool-in-branchée". Aujourd'hui non, il y a un programme spécial sur Jérusalem
et tout d'un coup on y diffuse cette chanson là:
Les paroles:
Je suis
debout sur la muraille
Debout, seul sous la pluie et la vieille ville
entière
Repose sur ma main et je la regarde amoureux,
Je monte souvent ici juste pour regarder
Mais maintenant je suis ici en service
Mais maintenant je suis ici en service
Refrain
Oui, oui, qui alors rêvait en classe
Quand on apprenait par cœur le verset «Sur tes
murailles O Jerusale…
J’ai placé des gardes”
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Je suis debout sur la muraille
Je suis debout et j’entends les voix
Les bruits du souk et son ambiance
Les cris des vendeurs et leurs chariots
Et voici le son du minaret
Voici le battement des cloches mais mon devoir est
d’écouter
S’il n’y a pas d’explosion de grenade
S’il n’y a pas d’explosion de grenade
Refrain
Oui, oui, qui alors rêvait en classe
Quand on apprenait par cœur le verset «Sur tes
murailles O Jerusalem…
J’ai placé des gardes”
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Je suis debout sur la muraille
Je tremble de froid, regarde et vois la lune se
coucher
Je suis le garde d’une nuit, une nuit de pleine
lune
Ou l’on n’aura plus besoin de gardes.
Ou l’on n’aura plus besoin de gardes
C'est difficile d'exprimer ce
que cette chanson réveille en moi à ce moment précis. Un mélange de tristesse
pour quelque chose que je n'ai pas vécu moi-même; en même temps une joie immense
de faire partie de ce peuple, mais aussi une sorte de mal de ventre car c'est
une sensation d'amour romantique, celui qui n'est pas vraiment consommable,
quelque chose qui restera pour toujours à quelques centimètres de portée; sans
jamais pouvoir le rejoindre, l'enlacer et le garder pour toujours. Au moment ou
mes yeux sont posés sur la muraille de la vieille ville de Jérusalem, cette
chanson vient me rappeler pourquoi je suis ici, vers ou je vais, et surtout pourquoi
mon cœur est en train de chavirer.
Le son un peu ancien du
studio ou la chanson a été enregistrée me plonge dans les débuts d'Israël, dans
sa période la plus naïve. Cette période ou les questionnements étaient moins
nombreux et le cynisme ressemblait plus
à de l'ironie qu'à quelque chose qui vous mange de l'intérieur. Les jeunes
soldats qui chantent cette chanson ne sont pas religieux, probablement pas
leurs parents non plus mais leur lien avec Jérusalem est naturel, beau et pur,
avec ce sentiment de devenir tout d'un coup important pour son pays. Le
chanteur se demande comment lui qui
était un simple élève en classe se retrouve sur cette muraille à surveiller et à
garder ses frères? Cette sensation exacte je l'ai ressenti des dizaines de fois
quand au milieu d'une mission complexe, entouré de mes soldats, tous sabras, je
me souvenais de moi-même enfant dans une classe de lycée parisien…
Qui alors rêvait, surement pas moi, qu'un jour, aujourd'hui, je serais aussi un des gardes de la muraille?
Ton billet réveille en moi un souvenir récent.
RépondreSupprimerEn février dernier, un vendredi matin, alors que nous étions au Kotel, nous avons soudainement entendu des détonations.
Il semble que, comme souvent le vendredi, des manifestations commençaient à dégénérer de l'autre côté du mur.
D'un seul coup, l'esplanade s'est vidée de ses touristes.
Et c'est là que nous l'avons vu, le gardien des murailles, dont tu parles dans ton billet.
Un jeune soldat, au-dessus du Kotel, s'est mis à courir dans tous les sens, mettant en joue des gens que nous ne voyions pas.
Et je me disais que ce jeune homme était, symboliquement au moins, le dernier rempart.
Que c'était sur lui que pesait la défense de tout Israël.
J'imagine bien qu'il existait tout un système de défense, composé de plusieurs soldats devant lui.
Mais, il était le seul visible de là où j'étais.
Et mon coeur s'est gonflé d'admiration pour ce jeune soldat aux écrasantes responsabilités, et, par extension, pour toute l'armée d'Israël, qui n'a pas d'autre choix que de tenir encore et toujours.
Merci de participer, à ton niveau, à cette noble tâche.
Et merci pour ton joli billet qui a fait revivre ce souvenir.
Avocat! Quel souvenir! Effectivement tu as vu en direct le gardien de la muraille. J'espère que tu garderas en tête que lui aussi est une des 6 personnes que tu ne rencontreras pas cet été si tu ne viens pas en Israël ;)
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