Le Blog d'Oren Toledano ouvre des thèmes épineux et sans langue de bois sur Israël, le monde juif, les relations diaspora-Israël, le sionisme moderne, la responsabilité personnelle et autre valeurs associées au judaïsme.
Et toujours ce même regard de
détresse, de choc, de tristesse. Le ventre se retourne pour ces gens, ces frères
et sœurs qui sont partis en Bulgarie pour se reposer et se rafraichir de la
chaleur et du stress moyen oriental, et qui ne reviendront pas ou
reviendront blessés à jamais.
Comment décrire en quelques
mots ce que chacun de nous ressent en ces moments là? De l'impuissance? De la
douleur? Un choc, un abattement? Les heures passent et on veut comprendre: qui,
quoi, pourquoi? Il n'y aura jamais de pourquoi assez fort pour expliquer un
acte volontaire contre des enfants et des femmes enceintes.
Puis vient la volonté d'agir,
de réagir. De se venger. On a envie de faire mal, peut être en se faisant mal.
On ne sait plus si on sue à cause de la chaleur, des nerfs, ou de la douleur…
La radio joue son menu
habituel de chansons tristes. Un menu musical toujours prêt pour ces occasions.
Le lendemain la douleur se
fait plus précise, moins émotionnelle. On pense aux répercussions, on pense à
l'avenir, on pense à ses enfants qui grandissent, seront-ils un jour en sécurité?
Quelle sera l'image de l'Etat
juif dans une dizaine d'années? La réponse à cette question est complexe et a
de grandes probabilités d'être erronée. Nous savons déjà à quel point il est
impossible de deviner et prévoir les évènements et développements géopolitiques,
principalement au moyen orient. Qui par exemple aurait pu prévoir le
printemps/hiver arabe il y a à peine un an?
Sans vouloir être devins,
nous devons tout de même être responsables et essayer de visionner les différentes
possibilités afin de préparer et influencer ce futur aujourd'hui et maintenant.
Pour le but de l'exercice je présenterai
donc deux possibilités de situation en 2020 pour Israël. Ces situations seront poussées
volontairement à l'extrême et ce pour accentuer les différentes problématiques.
En général la vérité se situe quelque part au milieu et à nous de décider
comment essayer de l' influencer au maximum.
Israël 2020 – Version numéro
1
L'Iran a la bombe. Elle ne
l'utilise pas, craignant une réaction Israélienne du style MAD (Mutual Assured
Destruction) mais son "parapluie nucléaire" s'étend sur toute la région.
Le Hizballah qui a pris le pouvoir au Liban et qui entretient de très bonnes
relations avec la Syrie islamiste se permet de garder un niveau de tension élevé
envers Israël et multiplie les attaques à la frontière nord. Israël riposte à
basse intensité de peur d'une détérioration avec Téhéran. Téhéran est elle-même
sous pression Egyptienne; Le Caire vient de dévoiler au monde sa toute nouvelle
puissance nucléaire. L'armée israélienne a changé. C’est une armée presque professionnelle,
bien qu'encore importante, seulement 50 % de la population y sert et reçoit un
salaire réel. La population juive orthodoxe ainsi que de plus en plus de séculaires
ne veulent plus y risquer leur vie.
Israël est au ban des
nations plus que jamais. La situation sans issue avec les palestiniens et le
monde arabe, ainsi que la politique d'isolation que mènent les Etats Unis en
font une cible confortable à l'ONU. Les condamnations se succèdent, le boycott
se renforce. Les juifs du monde ont de plus en plus de mal à soutenir leur patrie
qui se dessine plus chaque jour comme un acteur fou sur la scène
internationale. L'alyah a encore baissé, la situation démographique est au plus
mal. Bientôt la majorité juive en Israël ne sera qu'un lointain souvenir.
Israël 2020 – Version numéro
2
Le développement économique
d'Israël est sans équivalence aucune. Ce qui avait débuté il y a 10 ans comme
une seconde Silicon Valley est devenue un Eldorado économique. L'afflux intellectuel des diasporas juives française et américaine arrivées par dizaines
de milliers ces dernières années ont amené un dynamisme et de nouvelles façons
de penser qui manquaient encore aux israéliens pour faire une bon immense.
C'est désormais réalisé. L'entrée en masse sur le marché du travail des
religieux orthodoxes a fait baisser d'une façon impressionnante les taux de la pauvreté
en Israël. Ceci ajouté aux gains de L'Etat dues aux gisements de Gaz naturel et
de pétrole récemment exploités ont créé une situation de richesse sans précédents.
C'est désormais Israël qui donne au monde juif et qui permet à des milliers de
jeunes de venir connaitre et aimer Israël.
La situation autour du pays est complexe mais Israël est respectée et
crainte. La fin du programme nucléaire iranien de façon si spectaculaire a
calmé les ardeurs au moyen orient et Tsahal, désormais renforcé par des
milliers de soldat religieux, a gagné en qualité et en spiritualité. L'armée israélienne
n'a jamais été aussi juive et cela a une valeur immense aux yeux de nos
ennemis. La situation d'Israël en tant qu'exportateur de gaz et de pétrole a
influencé sa stabilité internationale désormais quasi inébranlable. C'est
aujourd'hui du monde entier qu'on vient apprendre dans ses universités comment
combattre le désert et vaincre tous les challenges dans le domaine du high
tech. C'est d'ailleurs à Apple Israël que vient d'être développé l'iPhone 9 qui
permet entre autre de piloter sa voiture à distance…
Comme je l'ai dit la vérité
est au milieu, mais rien de ce que j'ai écrit dans les deux versions n'est
impossible. Chacun a un rôle à jouer, un domaine à influencer pour qu'Israël
2020 soit la meilleur des versions inventés et que le bug principal encore à réparer,
ne reste que les 35 degrés à l'ombre du mois de juillet.
En chemin vers mon unité
militaire pour une autre journée d'entrainements dans le cadre du service de
réserve (milouyim), ma voiture glisse sur l'asphalte brulant et le soleil est
aveuglant. Le vent chaud souffle à travers les fenêtres ouvertes et crée ce battement de cils semi-agréable semi-gênant. Les poils de mon bras, que
je laisse se balancer en dehors de la voiture, sont redressés à contre vent et j'aime cette
sensation de hérissement. A ma droite je laisse filer le quartier d'Abou-Tor
derrière moi, puis à toute vitesse apparait
la cinémathèque, complètement rénovée.
Jérusalem s'étends devant moi
dans toute sa splendeur. Les couleurs sont fortes, l'air est sec, les yeux des passants sont
rudes, beaux. Chaque pierre sur mon chemin semble être installée depuis des
millénaires et semble devoir y rester éternellement. Cela me donne l'impression
de n'être qu'un invité temporaire de cette beauté. Comme une histoire d'amour
un peu interdite dont il faut profiter tant que nos yeux peuvent encore voir, avec
ce brin de tristesse inévitable, car au fond de nous, on sait que contrairement
à elle, nous ne sommes pas là pour toujours.
La radio de la voiture est bloquée
sur la station militaire de Galei Tsahal, pour rentrer un peu dans l'ambiance
qui m'attend… Généralement l'esprit de
cette radio est plutôt "Tel Aviv-super
cool-in-branchée". Aujourd'hui non, il y a un programme spécial sur Jérusalem
et tout d'un coup on y diffuse cette chanson là:
Les paroles:
Je suis
debout sur la muraille
Debout, seul sous la pluie et la vieille ville
entière
Repose sur ma main et je la regarde amoureux,
Je monte souvent ici juste pour regarder
Mais maintenant je suis ici en service
Mais maintenant je suis ici en service
Refrain
Oui, oui, qui alors rêvait en classe
Quand on apprenait par cœur le verset «Sur tes
murailles O Jerusale…
J’ai placé des gardes”
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Je suis debout sur la muraille
Je suis debout et j’entends les voix
Les bruits du souk et son ambiance
Les cris des vendeurs et leurs chariots
Et voici le son du minaret
Voici le battement des cloches mais mon devoir est
d’écouter
S’il n’y a pas d’explosion de grenade
S’il n’y a pas d’explosion de grenade
Refrain
Oui, oui, qui alors rêvait en classe
Quand on apprenait par cœur le verset «Sur tes
murailles O Jerusalem…
J’ai placé des gardes”
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Qu’un jour viendrait et je serai l’un deux.
Je suis debout sur la muraille
Je tremble de froid, regarde et vois la lune se
coucher
Je suis le garde d’une nuit, une nuit de pleine
lune
Qui illumine les murailles et ses portes, quand viendra le jour ?
Ou l’on n’aura plus besoin de gardes.
Ou l’on n’aura plus besoin de gardes
C'est difficile d'exprimer ce
que cette chanson réveille en moi à ce moment précis. Un mélange de tristesse
pour quelque chose que je n'ai pas vécu moi-même; en même temps une joie immense
de faire partie de ce peuple, mais aussi une sorte de mal de ventre car c'est
une sensation d'amour romantique, celui qui n'est pas vraiment consommable,
quelque chose qui restera pour toujours à quelques centimètres de portée; sans
jamais pouvoir le rejoindre, l'enlacer et le garder pour toujours. Au moment ou
mes yeux sont posés sur la muraille de la vieille ville de Jérusalem, cette
chanson vient me rappeler pourquoi je suis ici, vers ou je vais, et surtout pourquoi
mon cœur est en train de chavirer.
Le son un peu ancien du
studio ou la chanson a été enregistrée me plonge dans les débuts d'Israël, dans
sa période la plus naïve. Cette période ou les questionnements étaient moins
nombreux et le cynisme ressemblait plus
à de l'ironie qu'à quelque chose qui vous mange de l'intérieur. Les jeunes
soldats qui chantent cette chanson ne sont pas religieux, probablement pas
leurs parents non plus mais leur lien avec Jérusalem est naturel, beau et pur,
avec ce sentiment de devenir tout d'un coup important pour son pays. Le
chanteur se demande comment lui qui
était un simple élève en classe se retrouve sur cette muraille à surveiller et à
garder ses frères? Cette sensation exacte je l'ai ressenti des dizaines de fois
quand au milieu d'une mission complexe, entouré de mes soldats, tous sabras, je
me souvenais de moi-même enfant dans une classe de lycée parisien…
Qui alors rêvait, surement pas moi, qu'un jour, aujourd'hui, je serais aussi un des gardes de la muraille?
Avertissement numéro 1: Avant toute chose, il ne s'agit pas d'un billet sur l'alyah. Il s'agit d'une réflexion et d'une invitation à la réflexion. Il est vrai que l'Etat moderne d’Israël a été crée en grande partie comme solution aux maux des juifs du monde à travers les siècles. C'est bien parce qu' Hertzl avait assisté au procès Dreyfus qu'il était arrivé à la conclusion de la nécessité d'un état juif qui servirait de maison et protection pour les juifs du monde. Tout cela étant sur la table, je continuerai donc avec la présomption selon laquelle dans les 20 prochaines années (au moins) il restera des juifs en France, qui seront une communauté vivante et donc, pour le bien de ce billet et de la réflexion à laquelle il invite, mettons un instant l'alyah de coté.
Avertissement numéro 2:Oui je vis en Israël et oui je me permet de donner mon avis sur une situation française. Non je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants, mais qui les connait tous? Non je ne viens pas donner de leçon mais bien essayer de réfléchir avec vous, ensemble, afin de tenter de résoudre ce problème désastreux qu'est la renaissance de l’antisémitisme en France.
Réflexion:
Partons d'une base de réflexion selon laquelle tout problème a une solution. Le problème: une recrudescence énorme d'actes antisémites dans toute la France et ce depuis près de 10 ans. Ces derniers mois, ces actes semblent s’intensifier et devenir de plus en plus violents. Nous sommes depuis le drame d'Ozar Hatorah au coeur d'un nouveau pic. La stratégie: Il en existe une actuelle. Ceux qui la mènent sont les grandes organisations communautaires comme le Crif ou bien le consistoire (qui travaillent sur le sujet face aux politiques français), ainsi que des organismes tel la LICRA qui se battent surtout sur le terrain judiciaire. Résultats de la stratégie: il y a beaucoup d'efforts et nombre de réussites dans tous les domaines mais les résultats doivent n’être jugés que sur le terrain. Et aujourd'hui le terrain hurle de douleur. La stratégie n'est donc pas efficace. Il faut la changer absolument et immédiatement sous peine d’aggravation de la situation déjà détériorée.
Que faire?
Il faut tout d'abord sortir des réponses "bateaux" selon lesquelles notre sécurité et notre avenir reposent dans les mains de la République et des forces de Police. Dans toute démocratie celui qui ne sait pas faire entendre sa voix se fait écraser par les autres. Les juifs se doivent de comprendre comment est géré un pays: il est géré selon une "chaîne", chaque problème ayant une valeur changeante comme à la bourse. Les dirigeants français vont donc dormir et se réveillent en pensant aux problèmes qui ont la valeur la plus ajoutée.
La stratégie doit donc viser à rendre le problème de l’antisémitisme un problème grave à valeur ajoutée élevée et donc à risque grave s'il n'est pas traité comme il se doit.
Les juifs de France se doivent de sortir de l'esprit de minorité et se sentir chez eux. C'est a dire qu'ils doivent arrêter de penser qu'un plus fort, ou plus important qu'eux doit résoudre leurs problèmes à leur place. S'ils sont effectivement français à part entière, ils se doivent de se faire respecter en tant que tels et ne pas avoir honte du combat qu'ils se doivent de mener pour leur propre survie. S'il faut retourner des tables et descendre dans la rue, alors faisons le!
Je propose donc aux juifs de se réunir, le mieux serait par le biais des organisations communautaires, et de mener une grande - et rapide - réflexion sur la situation. Il faut des décisions et un plan d'action clairs. Il faut agir à tout prix. Tous juif voulant participer se doit d’être invité à ces "tables contre l'antisémitisme"
En brefs, mes conseils (qui devront être développés) pour faire changer la situation:
Il faut monter une campagne nationale et agressive (pubs metro, pubs tele, films viraux sur internet etc) qui alarmeront sur la situation. Il faut créer une situation de crisequi Doit etre géré au plus vite.
Il faut faire parler les juifs célèbres. Casser les tabous et les non-dits. Gad Elmaleh doit parler dans une pub et dire qu'il a peur pour ses frères juifs.
Il faut manifester. Pas une fois, mais toutes les semaines, tous les jours, il faut ouvrir des tentes de manifestations (légales) devant les ministeres et les préfectures.
Il faut participer à la vie électorale, aux associations de parents d’élèves etc. On ne peut pas se plaindre de la cité si on y participe pas.
Il faut arrêter de se cacher, il faut parler du problème avec ses amis goys, il faut connaitre les chiffres, il faut les écrire, il faut reagir sur internet, il faut encombrer les tribunaux de plaintes antisémites.
Il faut être fort et fier, il faut former les jeunes dans les écoles à se defendre, à se battre, à reagir. Ils ont le droit de se défendre, ils en ont le devoir.
Ce ne sont que des débuts d’idées, certaines sont déjà utilisées sur le terrain, pas toujours efficacement et pas toujours suffisamment. Mais il faut les débattre, pour les enrichir, en rajouter et enfin pour vaincre.
Comme je l'ai dis au début, il n'existe pas de problèmes sans solutions, à vous de jouer, à nous de vous aider.